2016 a été une année pleine de bouleversements, tant d’un point de vue politique (ça va sans dire) que musical. Car hormis les coupes budgétaires du Ministère de la Culture française qui met en péril de nombreux festivals et structures essentiels, la planète a été touchée par une hécatombe de personnalités qui nous laisse un peu orphelins.
Nous ne ferons pas ici un bilan exhaustif, ce serait malheureusement trop long, mais nous souhaitons tout de même rendre un bref hommage à ceux qui nous ont tant apporté par leur musique et leurs mots.
Cette danse macabre a commencé dès le 2 janvier 2016, avec le départ de Michel Delpech qui chantait pourtant « La vie, la vie » en 1971. Huit jours plus tard, c’est l’effroyable disparition de David Bowie, le chanteur pop-rock le plus révolutionnaire de sa génération, qui nous laissait un vide énorme. Avec comme consolation un album en forme d’adieu, Blackstar, un clip-testament, « Lazarus », du même nom que la comédie musicale qui a continué à se jouer à Londres, le fantôme de Ziggy planant au-dessus du public. La NASA elle-même a rendu hommage à “Starman“ en postant sur son compte twitter : « And the stars look very different today » (« Et les étoiles ont l’air vraiment différentes aujourd’hui »), reprenant ainsi les paroles de « Space Oddity » qui raconte les premiers pas de l’homme sur la lune.
En mars, de l’autre côté des Alpes, c’est le chanteur piémontais Gianmaria Testa qui tirait sa révérence. Parolier aux mélodies d’une grande douceur, il était l’ami de Erri De Luca, auteur napolitain avec lequel il avait monté le merveilleux Quichotte et les invincibles, hymne aux migrants, aux exilés, « à ceux qui ne se laissent jamais effondrer par une défaite ». Je l’avais rencontré à Naples en 2004, lorsque le spectacle était présenté à la Galleria Toledo. C’est l’occasion ici de revenir sur ce bel échange :
https://soundcloud.com/user-439998769/sets/interview-gianmaria-testa-naples-2004
Le 21 avril 2016 c’est “Love Symbol“ qui nous quittait sous une pluie pourpre, l’icône funk-pop aux vestes à paillettes, le Prince qui réveillait les belles au bois dormant à coups de « Kiss » et de « Sexy mother fucker ». Rival de Michael Jackson (avec lequel il partage pourtant la même scène que James Brown lors d’un show mémorable), il affectionnait particulièrement la salle parisienne du New morning où il avait fait un aftershow inoubliable en 2010, chantant jusqu’à l’aube « New Morning, New morning » au son de « Purple rain, purple rain »…
Trois jours plus tard, Papa Wemba, « le roi de la rumba congolaise », suivi de Billy Paul et son célèbre « Me and Mrs Jones » entraient également dans la ronde. Le 2 mai, c’est au tour de Hubert Mounier, leader de l’Affaire Louis Trio. L’auteur de « Mobilis in mobile » était également dessinateur et a notamment réalisé une bande-dessinée du même nom que l’album La maison de pain d’épices.
On s’arrêterait bien là, las de ce listing des défunts de 2016 que l’on a écouté, de près ou de loin, mais il en reste que l’on ne peut éviter. On pense bien sûr à Leonard Cohen. À « Suzanne », à « Hallelujah », à « Dance me to the end of love ». À tous ces morceaux qui ont été si longs à écrire pour un poète si exigeant, et qui ont de ce fait marqué nos esprits, influencé les plus grands, donné à entendre ce qui n’avait jamais été dit. À l’instar de David Bowie, il nous laisse un dernier album récent d’une grande beauté, You want it darker, imprégné d’amour et d’obscurité.
On pense aussi à la prêtresse de la soul Sharon Jones, sur laquelle on dansera encore durant « 100 days, 100 nights ». À « la reine des gitans » Esma Redzepova, qui a porté haut les couleurs de la culture tsigane avec des morceaux comme « Djelem, djelem ». Et au dernier en date, George Michael, parti un 25 décembre, pop star aux tubes “eighties“ qui a fait suer tant de dancefloors avec des titres comme « Wake me up before you go-go ».
Tous ces musiciens, chanteurs, auteurs ou compositeurs, aux destins parfois complexes, aux gloires certaines mais coûteuses, nous ont accompagnés depuis l’enfance et nous rappellent, en 2016, que la musique c’est autre chose qu’un air qu’on fredonne. Elle nous construit, nous hante, nous bouleverse. Elle peut appuyer là où ça fait mal ou raviver le feu de joie qui est en nous. Elle est ombre et lumière. Ou, comme l’écrivait Romain Rolland dans Jean-Christophe, « elle est la parole la plus profonde de l’âme, le cri harmonieux de sa joie et de sa douleur ».
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