La voix du crooner de Cuba, feu Ibrahim Ferrer, sera de retour dans les bacs ce 28 février avec la réédition par le label World Circuit de son deuxième album solo Buenos Hermanos. Aux manettes de cette nouvelle jeunesse : le guitariste et producteur américain Ry Cooder, qui fut à l’origine du succès mondial du Buena Vista Social Club.
Ce projet ambitieux, qui a réuni des légendes du son cubain comme Compay Segundo ou Omara Portuondo, a reçu le Grammy Awards 1997 et s’est vendu à près de huit millions de copies dans le monde entier. Ibrahim Ferrer était l’une de ces étoiles oubliées.
Né à Santiago de Cuba en 1927, il se retrouve seul dès l’âge de douze ans et se met à vivre de petits boulots et de chant. Il collabore avec de nombreuses formations, dont celles de Benny Moré et Pacho Alonso, jusqu’au début des années 80 où il prend sa retraite, désabusé. Pour survivre, il cire des chaussures et vend des tickets de loterie. Mais en 1996 il est ramené sur le devant de la scène grâce au projet Afro Cuban All Stars : A Toda Cuba Le Gusta qui précède le triomphe du Buena Vista Social Club. Suivront deux albums solo qui concluront en beauté sa carrière de musicien, Buena Vista Social Club présents Ibrahim Ferrer, et Buenos Hermanos.
Ce dernier opus, sorti en 2003, se pare désormais de nouveaux atours. À l’origine de la première version, Ry Cooder a souhaité aujourd’hui rehausser cet écrin en y apportant des modifications qui le subliment. L’album a ainsi été remixé, remasterisé, et quatre titres inédits ont été ajoutés à l’ensemble dont l’enchainement de pistes a été naturellement repensé. Le disque gagne alors en amplitude, en puissance, et on découvre avec délectation les morceaux jusqu’alors inconnus d’un Ibrahim Ferrer plus romantique que jamais. On retrouve le boléro, cher à cette voix de velours, avec les langoureux « Ojos Malvados » et « Mujer », deux hymnes à l’amour et aux émois qu’il peut provoquer. Mais le rythme effréné de « Me Voy Pa’ Sibanic » nous rappelle aussi que l’âge du « papi » cubain n’avait en rien altéré son enclin pour les danses endiablées. Quant à « Ven Conmigo Guajira », dans laquelle la guitare de Ry Cooder donne le la, elle revisite un standard de la chanson guajira cubaine avec cuivres, claves, choeur, et autres éléments qui invitent à remonter le temps pour interpréter une danse de salon tendance 2020. « La meilleure version que je n’ai jamais entendue », insiste Ry Cooder. Comptant de prodigieux talents cubains tels que le bassiste Orlando ‘Cachaíto’ Lopez ou le pianiste Chucho Valdés, cet album accueille des artistes plus inattendus comme les voix gospel des Blind Bloys of Alabama ou le trompettiste de musique ambient Jon Hassell.
Un disque aux couleurs sensibles de Cuba, terre de métissage et de fertilité, qui reflète l’harmonie née de ses fêlures et de son énergie contagieuse.